- États-Unis
06/05/1924 - 12/12/2021
Sœur Christina était née à Toomore, dans le comté de Roscommon, de John Gannon et Mary Catherine Hanglow, le 6 mai 1924. Elle était la dernière survivante d’une fratrie de six garçons et quatre filles. Elle parlait de ses parents comme de grands travailleurs et de personnes spirituelles dotées d’une foi profonde, des qualités que leurs enfants avaient absorbées. Son frère aîné, John Joe, était devenu prêtre oblat et deux de ses sœurs, Mary et Veronica, sœurs maristes. Christina avait un grand amour et une grande admiration pour tous les membres de sa famille, avec qui elle était restée en contact.
Christina fréquente, au primaire, une école publique située à environ trois kilomètres de chez elle. Dès l’âge de quatre ans, elle s’y rend à pied tous les jours avec ses frères, ses sœurs et leurs voisins. Elle fait très tôt preuve de grande intelligence, en gagnant une bourse du comté qui lui permet de terminer ses études secondaires au Mercy Convent, à Roscommon.
Avant de terminer ses études secondaires, elle sent l’appel de Dieu à la vie religieuse. Elle n’hésite pas à choisir les Maristes. Elle pense avoir été influencée par le fait que sa sœur Veronica était novice à Carrick-on-Shannon et son autre sœur, Mary, (Joachim) à Peckham, mais elle comprend ensuite qu’elle a bien choisi sa congrégation, car la vie mariste convient à sa personnalité.
Elle entre au noviciat de Carrick en 1941 et prononce ses vœux en août 1943. Elle est ensuite affectée à l’enseignement du premier degré à Tubbercurry. Elle se souvenait de ces années comme d’une période joyeuse avec les petits de Dieu. Puis la réponse à son souhait d’aller aux Fidji arrive ; on lui demande d’aller à St Prix pour sa préparation. Elle y suit des cours de français, mais en même temps elle se prépare aux vœux perpétuels qu’elle prononce à la chapelle de St Prix en 1947. Peu de temps après, Mère Marie Joseph lui demande si elle accepterait d’aller au Canada plutôt qu’aux Fidji. Christina est ravie de ce choix. En compagnie de la Mère générale et de Sœur Bridie Woods, elle quitte Southampton en août 1947 en direction de Halifax par bateau. Après le voyage en mer, elle parcourt plus de 600 kilomètres en train et en voiture jusqu’à Parent. Le voyage, qui dure près de trois semaines, est épuisant.
Les sœurs Christina et Bridie arrivent à Parent juste six mois après l’arrivée de trois maristes américaines venant de France. C’était la première fondation de sœurs maristes au Canada. Le père Mazerolle, un pasteur saint et ascétique, les invite à habiter avec lui au presbytère. Le lieu n’est pas idéal, car les locaux sont très petits, mais c’est le mieux qu’on peut leur offrir jusqu’à ce qu’on construise des logements plus convenables. Ce sont des années difficiles, le climat est froid, la nourriture n’est pas celle habituelle, et les gens parlent français, mais entre les tâches ménagères, les études pour l’agrégation et l’enseignement, elle n’ont pas beaucoup de temps pour penser à ces inconvénients.
Au bout de trois ans, une autre mission est ouverte à Green River, et Christina s’y installe avec le même enthousiasme pour rendre service. Elle exerce son ministère suivant, pendant neuf ans, à l’orphelinat Mount St Mary, nouvellement fondé à Edmundston et confié aux Sœurs Maristes par Monseigneur Conway. Puis elle retourne à St Anne et, de là, à Thetford Mines, au Québec. À Thetford, elle enseigne à l’école secondaire protestante « Andrew Johnson ». C’est une expérience nouvelle, différente, qui présente ses propres défis. On se souvient de Christina comme d’une excellente enseignante qui a très favorablement marqué les élèves et le personnel.
À cette époque, il y avait un surplus d’enseignants au Québec mais, clairvoyante, Christina avait compris qu’il fallait former des enseignants pour les enfants à besoins spécifiques. Après avoir obtenu une maîtrise en éducation à l’Université McGill de Montréal, elle est embauchée pour enseigner aux enfants à besoins spécifiques dans les écoles de la ville pendant les dix années suivantes. La plupart des enfants de sa classe étaient défavorisés sur les plans culturel et éducatif, et certains d’entre eux venaient de foyers où l’on ne parlait ni français ni anglais.
Ces élèves défavorisés occupaient une place spéciale dans le cœur de Christina, qui n’était pas comme ces enseignants qui se tiennent à distance, mais plutôt une amie compatissante qui faisait tout son possible pour comprendre les difficultés de ses élèves et qui les encourageait, souvent avec une affection rude, à se dépasser. Elle ne leur disait pas qu’elle les aimait, car son amour et son attention pour chaque élève émanaient d’elle, et ses élèves le savaient. Elle ne leur disait pas qu’elle voulait qu’ils réussissent, car sa préparation en classe, son attention pour chacun et ses efforts pour communiquer avec les parents en disaient long.
En 1985, Christina prend sa retraite de l’enseignement. Elle aimait le Canada et était pleine de gratitude pour les années qu’elle y avait passées. C’est donc avec des sentiments mitigés et une grande ouverture d’esprit qu’elle choisit, au moment de sa retraite, de rejoindre la province américaine. Elle vit une autre expérience très positive en exerçant son ministère dans une paroisse bilingue de Détroit, « Maria, Madre de la Iglesa ». Ici, la population est principalement mexicaine, mais sa connaissance de l’espagnol et ses compétences pédagogiques en matière d’enfants ayant des problèmes de langage lui sont très utiles. Christina participe aux activités paroissiales, aide à un programme d’alphabétisation pour adultes, assiste aux dévotions mexicaines et développe une grande dévotion à Notre-Dame de Guadalupe. Chaque fois qu’elle parle de la paroisse, de son pasteur ou de ses habitants, son admiration et son estime pour eux sont tangibles ; et les paroissiens partagent les mêmes sentiments à son égard.
On ne peut pas faire un récit complet de la vie de Christina sans mentionner ses nombreuses années en tant qu’économe locale. Ses comptes étaient écrits en lettres moulées. À un moment donné, elle vivait dans une région où les cambriolages étaient fréquents. Pour garantir la sécurité de ses comptes, Christina avait mis ses livres de comptes et ses carnets de chèques dans le coffre de sa voiture, au cas où quelqu’un s’introduirait dans la maison. Elle se sentait rassurée, mais deux nuits plus tard, la voiture a été volée. On n’a jamais revu ni les carnets de chèques, ni les livres de comptes, ni la voiture.
Christina était une personne très réservée, discrète quant à sa vie personnelle et spirituelle, et pas facile à comprendre. Mais c’est à leurs fruits que vous les reconnaîtrez. Celles d’entre nous qui ont vécu avec elle ont connu une femme qui n’avait pas choisi sa congrégation religieuse au hasard, car vivre l’esprit mariste et être « cachée et inconnue » semblait tout à fait dans sa nature. Elle n’affichait jamais ouvertement sa piété ou ses dévotions, et évitait délibérément d’être sous les feux de la rampe. C’était une femme pleinement engagée et dévouée à son devoir, qu’elle accomplissait avec calme et discrétion. Elle faisait preuve de compassion, de douceur et de gentillesse et exprimait ses regrets quand elle pensait avoir blessé quelqu’un. Elle avait la capacité d’accepter les choses et les personnes telles qu’elles étaient. Sa présence à l’Eucharistie, à l’Office quotidien, aux dévotions communautaires ou en adoration devant le Saint-Sacrement et son recours à Notre Sainte Mère pour prendre une décision montrent comment elle nourrissait sa vie spirituelle. Malgré sa timidité, ou peut-être à cause d’elle, Christina avait un grand sens de l’humour. C’était une grande conteuse et ses récits, surtout ceux de ses premières années au Canada, tenaient son auditoire en haleine.
Christina a été autonome jusqu’à quelques semaines avant sa mort, et c’est surtout pendant ces jours-là qu’elle a exprimé avec insistance son souhait de « rentrer à la maison ». Ce n’est qu’une semaine avant sa mort qu’elle a perdu toute énergie pour se lever et s’habiller. Elle s’est abandonnée paisiblement à sa situation, en s’unissant à la prière récitée à son chevet. Et à l’âge de 97 ans, le jour de la fête de Notre-Dame de Guadalupe, fidèle à elle-même, Christina a glissé tranquillement et discrètement dans les bras de notre Dieu d’amour.
La liturgie de ses funérailles a été célébrée à la paroisse Holy Innocents-St Barnabas par le père John Wynnycky. Dans son homélie, il a évoqué le courage de Christina, jeune femme quittant son foyer et son pays pour s’engager dans un voyage vers l’inconnu ; un voyage qui devait être intimidant, mais sa foi profonde et l’amour de sa vocation mariste l’ont soutenue. Christina, qui a déclaré à plusieurs reprises que personne ne viendrait à ses funérailles à cause de son âge, aurait été surprise de voir une si grande foule assister à sa messe.
Nous l’avons enterrée au Holy Sepulchre en compagnie des Maristes des États-Unis.
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